En janvier 2007, le Washington Post réalise une enquête dans le métro de la capitale américaine sur la perception, les priorités et les goûts des gens.
L’enquête peut se résumer à une question d’ordre philosophique :
« What is beauty ? Is it a measurable fact (Gottfried Leibniz), or merely an opinion (David Hume), or is it a little of each, colored by the immediate state of mind of the observer (Immanuel Kant) ? »
Qu’est-ce que la beauté ? Est-elle quantifiable ou est-ce juste une opinion ? Ou bien est-ce un peu des deux, teinté de l’état d’esprit de celui qui la voit ?
Pour cela, le journal installe Joshua Bell, l’un des meilleurs violonistes classique, à l’entrée d’une station sur les coups de 8h pour voir si les gens (1097 personnes en 43 minutes) changeraient ce qu’ils avaient prévu pour s’arrêter et écouter.
Il a joué certaines des "plus grandes partitions jamais écrites" sur un Stradivarius estimé à 3.5 million $ fait main par Antonio Stradivari lui même en 1713.
Durant les 3/4h où il a joué, 7 personnes se sont arrêtées pour jeter un oeil, 27 ont donné de l’argent (32$ en tout), la plupart sans s’arrêter. Une seule personne l’a reconnu. J’aurai aimé être cette personne, mais je n’en suis vraiment pas convaincu !
Trois jours auparavant, son récital au Boston Symphony Hall état "sold-out" et certaines places se sont vendues jusqu’à 100$.
Un jeune homme va pour sortir de chez lui, croisant un voisin qui parle tout seul, il s’en étonne. Mais dans la rue la situation continue, chaque passant parle seul, sans se préoccuper des autres, même cet homme d’une cinquantaine d’année ordinairement peu au fait de la mode ou de l’air du temps.
Personne ne le voit, ne le remarque, ne le voit, il se fait même bousculer, il n’existe plus aux yeux de tous, il n’est plus personne.
Comme pris de panique, il court et se jette dans une bouche de métro, recherchant sans doute la protection symbolique d’un ventre maternel ainsi que l’espace normalisé d’un flux mais son cauchemar continue, dans la rame, personne ne se regarde, impossible d’accrocher les regards, tout le monde se parle seul.
Il sort sur l’esplanade de la Défense, lieu parfait d’absence totale de nature, aseptisé, dédié au commerce, à l’industrie en col blanc, à la finance… Il s’effondre et s’assoit comme désespéré sur les marche froides en marbre.
Soudain, il a compris, il mets des écouteurs dans ses oreilles, sourit et se met à parler seul à son tour. La marque d’un téléphone portable apparait.
Dans le dernier plan, il marche seul, de dos, en faisant des gestes tel un pantin. Il est désormais connecté, il ne nous intéresse plus, il n’est plus personne et se fond dans la foule.
La rencontre physique n’est désormais plus possible sans en passer par une machine dont l’activation passe par le paiement mensuel d’un forfait. Le rêve parfait du monde néolibéral : payer pour faire partie de la société selon son rang, selon le prix de son abonnement ou être condamné à n’être plus personne, à ne plus exister…
« (…), la voix du télécran continuait à débiter des renseignements sur la fonte et sur le dépassement des prévisions pour le neuvième plan triennal. Le télécran recevait et transmettait simultanément. Il captait tous les sons émis par Winston au-dessus d’un chuchotement très bas. De plus, tant que Winston demeurait dans le champ de vision de la plaque de métal, il pouvait être vu aussi bien qu’entendu. Naturellement, il n’y avait pas moyen de savoir si, à un moment donné, on était surveillé. Combien de fois, et suivant quel plan, la Police de la Pensée se branchait-elle sur une ligne individuelle quelconque, personne ne pouvait le savoir. On pouvait même imaginer qu’elle surveillait tout le monde, constamment. Mais de toute façon, elle pouvait mettre une prise sur votre ligne chaque fois qu’elle le désirait. On devait vivre, on vivait, car l’habitude devient instinct, en admettant que tout son émis était entendu et que, sauf dans l’obscurité, tout mouvement était perçu. » George Orwell, 1984, roman paru en 1949.
Internet pourrait-il devenir le « télécran » de Georges Orwell ? Il y a quelques années, j’aurais éclaté de rire. Aujourd’hui, je suis inquiet. Le projet de loi Hadopi (pour Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des Droits sur Internet) ouvre une immense brèche dans la protection de la vie privée, et si elle était adoptée légaliserait le filtrage de nos communications sur Internet pour juger de notre bon ou mauvais comportement vis-à-vis des oeuvres protégées par le droit d’auteur.
Autant il est absolument nécessaire de trouver des solutions pour compenser l’importante fragilisation des industries culturelles depuis l’avènement de la copie massive via Internet, autant il est vraiment dangereux de porter atteinte à la vie privée et légaliser une surveillance généralisée dont les abus sont facilement imaginables. D’ailleurs, lorsque j’entends les termes de « riposte graduée », ça me fait froid dans le dos… Sommes-nous en guerre ?
Le choix des mots n’est jamais innocent et dénote fortement de l’état d’esprit général de ce projet de loi.
Lorsque la radio et la bonne vieille cassette avaient porté atteinte aux droits d’auteur en permettant la copie illimitée de la musique, le législateur avait trouvé des solutions justes qui avaient généré de nouvelles ressources économiques pour le créateur. La mise en place d’une redevance collectée directement auprès des opérateurs de télécommunications pourrait financer la création artistique, comme c’est déjà le cas concernant la taxe pour copie privée sur les cassettes et disques durs ou la taxe sur les billets d’entrée au cinéma qui finance la création cinématographique française.
Les conséquences de la loi Hadopi pour la protection de la vie privée pourraient être désastreuses. D’ailleurs, la CNIL, l’Arcep, le Conseil d’Etat et la Commission Européenne ont sévèrement critiqué ce projet de loi qui sera proposé au Sénat en juillet. Ce serait vraiment un comble qu’au nom des artistes et de la création, une loi fondée sur l’écoute et la délation puisse voir le jour.
Un billet qui trainait sans raison dans les méandres de ce blog... Resté en brouillon depuis le 15 mars, je le publie aujourd’hui un peu hors contexte, mais comme on dit, "the world must know" !
6 mars 2008, Nicolas Sarkozy en visite dans centre d’apprentissage d’esthétique à Vesoul.
Première version
Lors de la visite d’une chambre, une apprentie refuse de lui serrer la main, allant même jusqu’à l’ignorer avant de quitter le champs de la caméra. A la différence du Guilvinnec ou du salon de l’agriculture, il n’y a pas d’échange de d’insulte.
Moment de flottement, notre président se mord les dents mais ne dit rien.
Autre version, autre montage, autre sens...
Exit le flottement, exit le bouffage de dents, notre président gère.
Les 2 arguments fondamentaux pour moi dans cet article sont le fait que ces outils font "perdre à une génération entière le réflex de protéger sa vie privée et ses données personnelles" ( [1]) et que personne ne sait si nos données personnelles ne pourront pas être consultées "par d’autres personnes que celles auxquelles on a cru en limiter l’accès" ( [2]).
Il ne faut pas oublier que le seul et unique but de ces sociétés (car ce sont bien des sociétés de droit privé et non des services publics) est de faire du profit et que leur modèle économique est celui de la publicité. Donc, mieux elle nous connaissent, plus elles peuvent cibler précisément la pub et donc la vendre plus chère... CQFD.
A l’heure où Facebook annonce son arsenal de ciblage publicitaire Facebook Ads, Vincent Dufief, avocat au Barreau de Paris spécialisé en droit pénal des nouvelles technologies et en droit de la vie privée, pose un œil critique sur les risques de ces sites de réseau social pour les droits des personnes.
Les sites de socialisation, Facebook en tête, connaissent aujourd’hui un succès extraordinaire, surtout auprès des jeunes entre 14 et 35 ans. Si les raisons de cet engouement sont nombreuses, les risques existent aussi, non seulement aujourd’hui mais aussi pour demain...
Si Internet a toujours menacé la vie privée des personnes, le développement des sites de socialisation donne une nouvelle dimension à ce risque, en encourageant les utilisateurs à sacrifier eux-mêmes leur propre vie privée. En effet, le principe de ces sites de socialisation est d’inciter leurs utilisateurs à révéler le maximum d’éléments de leur intimité, de préférence au plus grand nombre de personnes. Sur ces sites, il est effectivement nécessaire de dévoiler un peu de sa vie privée si l’on veut accéder à celle des autres et le système fait qu’il est aussi très délicat de refuser les sollicitations...
Même si aucune loi n’interdit de divulguer sa propre vie privée, il n’en demeure pas moins qu’une telle révélation est forcément risquée dans la mesure où nul n’en connaît réellement les limites, ni dans l’espace ni dans le temps. Qui sait en effet si cette information ne pourra pas être consultée par d’autres personnes que celles auxquelles on a cru en limiter l’accès et rester accessible sur Internet pour une durée illimitée ? Plus grave : cette divulgation volontaire ouvre nécessairement la porte à nombre de comportements malveillants de la part de tiers, qu’ils soient négligents ou malintentionnés.
Tout d’abord, il est malheureusement certain qu’offrir à une personne la possibilité de communiquer à l’ensemble de son entourage (familial, personnel, professionnel…) des photographies et des informations sur un tiers, crée un canal idéal pour relayer des atteintes à la vie privée et au droit à l’image, voire des diffamations. Tel est notamment le cas de la fonctionnalité qui permet de publier des photographies de ses amis sur sa fiche : cette publication peut manifestement constituer une atteinte au droit à l’image si la personne représentée n’a pas donné son accord. Surtout, la possibilité pour un utilisateur inscrit de diffuser la photographie d’une personne non-inscrite sur le site prive celle-ci de prendre connaissance de cette publication, pourtant publique, et d’en restreindre le cas échéant la diffusion.
Par ailleurs, ces sites de socialisation sont un espace idéal pour des usurpations d’identité, commises à des fins d’escroqueries, de renseignement sur autrui ou encore tout simplement pour nuire à quelqu’un en se faisant passer pour lui et en le présentant de façon peu aimable... Au delà de ces risques immédiats, la divulgation de la vie privée de millions de personnes — notamment d’enfants et d’adolescents — présente indéniablement un danger à long terme. Le risque le plus sérieux est probablement la mise en place, à l’insu de tous ou presque, d’un véritable fichier de la population, dont nul n’est aujourd’hui capable de prévoir les utilisations futures et les risques évidents de détournement, quels qu’ils soient.
Le développement de ces sites conduit aussi à évoquer un danger aussi préoccupant, dont les conséquences ne pourraient apparaître que plus tard, qui est de faire perdre à une génération entière le réflexe de protéger sa vie privée et ses données personnelles. En effet, les plus jeunes utilisateurs trouvent totalement naturel de restreindre volontairement la sphère de leur intimité en communiquant, souvent pour s’amuser, des informations éminemment personnelles.
C’est ainsi que des millions d’utilisateurs diffusent volontairement sur Internet leurs opinions politiques, la liste de tout leur entourage ou encore leurs croyances religieuses. Une telle évolution des mentalités semble une réelle menace pour la sauvegarde d’une liberté fondamentale : le droit à la vie privée. Face à ce phénomène, il semble avant tout nécessaire de sensibiliser les jeunes utilisateurs à l’importance de la protection de leur vie privée, au moyen d’actions pédagogiques tant dans les établissements d’enseignement que sur internet.
A côté de cette approche pédagogique, la réponse juridique ne doit pas non plus être négligée ; or, force est de constater qu’à l’heure actuelle le droit n’apparaît pas du tout adapté aux risques particuliers que présentent ces sites. Il est clair que le plus grand nombre n’offre pas de garanties suffisantes aux utilisateurs ; il est notamment inquiétant de constater que la plupart d’entre eux s’ouvrent aux annonceurs et dégagent leur responsabilité quant à l’utilisation qui peut être faite des informations échangées...
De surcroît, la complexité et l’absence fréquente de traduction française des conditions d’utilisation et des rubriques « privacy » ne permettent pas aux utilisateurs – surtout aux plus jeunes - de mesurer les conséquences de l’utilisation et de la communication de données personnelles sur ces sites. On peut aussi légitimement s’interroger sur la déclaration des fichiers constitués à partir de ces sites, comprenant nombre de données sensibles, et sur l’étendue du contrôle des autorités compétentes.
Enfin, concernant les éventuels dommages qui peuvent être provoqués aux personnes par ces sites, les actions judiciaires individuelles apparaissent à l’heure actuelle pour le moins inadaptées et compliquées à mettre en œuvre. Déjà, de par l’incertitude du statut juridique des sites communautaires, entre éditeur et hébergeur, il est délicat de savoir quel régime leur appliquer et quelle procédure intenter en cas de contentieux. De plus, il est évident que les procédures judiciaires classiques en matière de vie privée et de droit à l’image sont, de par leur lourdeur, leur coût et leur complexité, plutôt destinées aux célébrités qu’aux victimes anonymes de ces sites internet, surtout s’il s’agit d’enfants ou d’adolescents. Prenons par exemple le cas d’un enfant de quatorze ans dont des photographies humiliantes sont publiés sur Facebook par ses camarades de classe : ira-t-il vraiment intenter une procédure de référé devant le Tribunal de Grande Instance pour obtenir le retrait de ces images ?
Dans la mesure où les victimes de telles atteintes sur ces sites risquent d’être de plus en plus nombreuses et que les conséquences pour elles peuvent être réellement graves, il semblerait nécessaire de leur proposer des procédures simples et rapides, adaptées à leur situation ; il pourrait notamment s’agir de procédures simplifiées, privilégiant le retrait rapide des contenus plutôt que la dimension punitive ou réparatrice.
En attendant, les victimes ne souhaitant pas aller en justice peuvent toujours recourir aux dispositifs « report d’abus » proposés sur ces sites, ou procéder à des notifications officielles si les conditions sont réunies. En tout état de cause, il est fondamental qu’elles conservent une preuve des atteintes constatées, pour se garder ouverte la voie d’une éventuelle action judiciaire, qui demeure toujours préférable.
Science et Vie Micro se mobilise contre le projet de loi issu du fameux rapport Olivennes. Cette loi, si elle est votée par nos députés, instaurera une surveillance des échanges de données sur le net par des "organismes de droit privé" missionnés par les majors.
Outre le fait que des entreprises privés relèvent et s’échangent les adresses IP des abonnés à internet, cette surveillance entrainera automatiquement une clandestinisation (il existe ce mot ?) croissante des réseaux sur le net, ce qui n’est bon pour personne.
Edit 30/05/08, 00:22 : Selon PCInpact, la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) aurait à son tour rendu un avis critique à l’encontre du projet de loi Hadopi (loi Olivennes). Après le rejet du parlement Européen, après la pétition de SVMLeMag, et après l’Arcep, c’est au tour de la CNIL de s’en prendre à Hadopi. www.universfreebox.com/article5400.html